GLOSSAIRE DE MÉSOLOGIE
par Augustin Berque
GLOSSAIRE (glo-sè-re) n. m. (du grec glôssa, langue). Dictionnaire expliquant
les mots vieillis ou peu connus d’une langue : Du Cange a laissé un précieux glossaire de la basse latinité [extrait
du Petit Larousse, 1ère
éd., 1906].
Ci-dessous,
l’astérisque * renvoie à un terme défini dans le présent glossaire, lequel ne
recense de chaque terme que les acceptions propres à la mésologie.
ABSTRACTION
n. f. Opération de rendre
abstrait* : l’abstraction du POMC*,
transformant les choses* en objets*, les a rendues propices au fétichisme*.
ABSTRAIT adj. Détaché de son milieu* : la géométrie est abstraite, l’architecture
qui jusque-là était concrète* se l’est donnée pour guide avec le mouvement
moderne*.
ACHORIE n. f. Syn. de TOM* ; manque de chôra* : l’achorie est l’état qu’entraîne la forclusion* du corps médial*.
ACOSMIE n. f. Manque de cosmicité*, résultant de la
décosmisation* provoquée par le POMC* : en architecture et en urbanisme, l’acosmie se manifeste par l’espace
foutoir* et le tue-paysage*.
ALLER-AVEC
n. m. Syn. de concrescence*.
APPAREIL n. m. Ensemble
stable d’en-tant-que*, disposant à considérer comme « la » réalité
une certaine réalité*. Apparenté à dispositivo
chez Agamben, dispositif chez
Foucault, Produktionsverhältnisse
chez Marx, Welt chez Heidegger, et sesetsu 施設
chez Yamauchi : l’Appareil
appareille (≈ die Welt weltet, ≈ le
dispositif dispose).
ARCHITECTURE n. f. Technosymbole de l’habiter humain ;
géogramme* par excellence de l’écoumène*.
ARCHITECTUROLOGIE n. f. Propos sur l’architecture* : l’architecturologie de Philippe Boudon est
analogue à une mésologie*.
ARGENT n. m. Prédicat* (P*) en tant que* quoi une chose*
existe* sur le marché ; dans le capitalisme*, prédicat universel en tant
que quoi tout (S*) existe dans le monde ; spécialement dans le capitalisme
financier qui, par un bond mystique*, absolutise ce prédicat, tautologiquement mais
avec plus-value : l’argent, c’est
toujours plus d’argent. V. Phynance.
ARRÊT SUR
OBJET n. m. Effet du POMC* sur la réalité*, arrêtant la trajection* et transformant
les choses* en objets* : figeant
leur mouvance*, l’arrêt sur objet fétichise* les choses*.
BASSE
MODERNITÉ n. f. Par analogie avec
le Bas Empire, période finale de l’instanciation du POMC*, marquée par l’espace
foutoir*, le métabasisme* et l’apogée de la phynance*, avant le dépassement de
ce paradigme, issu du principe du mont Horeb*, par un paradigme réembrayant
l’existence* humaine à la Terre*. V.
Recouvrance.
BIAFFIRMATION
(ou BIASSERTION) n. f. À la fois A et non-A. Correspond au syllemme*,
i.e. au quart* lemme* dans le tétralemme*
BINÉGATION
n. f. Ni A ni non-A. Correspond au
tiers* lemme* dans le tétralemme*.
BIOSPHÈRE
n. f. Ensemble des milieux*
vivants. Relation de la vie à la planète Terre : l’évolution a déployé la planète* en biosphère, et la biosphère en
écoumène*.
BOND
MYSTIQUE n. m. Absolutisation de
ce qui – soit S* soit P* – devrait n’être que relatif (S/P*) : la religion* absolutise P, et inversement,
le scientisme* absolutise S, accomplissant en énantiomère (en miroir) un même
bond mystique.
CALAGE
TRAJECTIF n. m. Hypostase (substantialisation) de S/P* en S’ dans la chaîne* trajective. Apparenté à eji 依止 chez Yamauchi.
CAPITALISME
n. m. Accaparement, par le TOM*,
des services rendus par le corps médial* qu’il a forclos* en externalités.
CHAÎNE TRAJECTIVE
n. f. Suite de trajections, hypostasiant
(substantialisant) progressivement S/P* (donc hypostasiant du même mouvement P)
en S’, S’/P’ en S’’, S’’/P’’ en S’’’, et ainsi de suite. Se représente par la
formule (((S/P)/S’)/S’’)/S’’’… etc. : les
chaînes trajectives sont analogues aux chaînes sémiologiques chez Barthes et à
la sémiose chez Peirce.
CÉZANNE Peintre français. V. Principe de Cézanne.
CHÔRA/TOPOS (mots grecs χώρα et τόπος) Versant
phénoménal/versant physique d’un lieu* ou d’un milieu*. La chôra (au sens platonicien) est ontologiquement indissociable de
l’existence* des choses*, tandis que le topos
(au sens aristotélicien) en est dissociable : les rapports chôra/topos et
chose/objet en mésologie correspondent au rapport Ort/Stelle chez Heidegger.
CHORÉSIE n. f. Déploiement d’un milieu*, faisant ek-sister*
les choses* à partir de l’en-soi des objets*. Apparenté à la Räumung (spaciation) chez Heidegger.
CHORÉTIQUE
adj. Relatif à la chorésie* ou à la chôra*.
CHOSE n. f. Ce
qui constitue la réalité*, i. e. une instance de S/P*.
COGITO n. m. abrégeant la proposition cartésienne cogito, ergo sum (je pense, donc je
suis), version humaine du principe du mont Horeb*, où l’individu moderne,
trajectant* lui-même son être, se pose en un sujet*-prédicat* de soi-même
transcendant son milieu* : le cogito
a rendu possible le TOM*.
COMPOSITION
URBAINE n. f. Harmonie
co-suscitative* des formes de la ville, ménageant* sa cosmicité* : le principe du mont Horeb*, déchaîné dans le
mouvement* moderne, a fait table rase de
la composition urbaine, et l’a remplacée par l’espace foutoir*.
CONCRESCENCE
n. f. (du latin cum crescere, croître ensemble)*.
Dynamique de la concrétude : la
concrescence est la co-suscitation* mésologique* et historique* des êtres, des
lieux* et des choses*. Ant. Abstraction.
CONCRET (du latin concretum,
supin de cum crescere, croître
ensemble) adj. Qualifie ce qui n’est pas abstrait de son milieu* : pour la mésologie, les choses* sont
concrètes, les objets* sont abstraits.
CONCRÉTUDE
n. f. Qualité de ce qui est
concret*. V. Concrescence.
CONTINGENCE
n. f. Entre le hasard* (n’importe
quoi n’importe quand n’importe où) et la nécessité* (toujours et partout la
même chose), c’est le propre de la réalité*, qui pourrait toujours être autre
qu’elle n’est, mais qui est ce qu’elle est en fonction d’une certaine histoire*
et d’un certain milieu* : la
contingence est la condition de la créativité dans l’évolution du vivant et a
fortiori dans l’histoire humaine.
CONTINGENT adj. Relevant de la contingence* : entre hasard* et nécessité*, l’évolution est
contingente.
CORPS
ANIMAL n. m. S’emploie au sens de Leroi-Gourhan, i.e. la délimitation physique
de l’être individuel dans son topos*,
abstrait de son corps médial* : les
fonctions du corps animal se sont extériorisées et déployées dans les systèmes
techniques et les systèmes symboliques propres à l’humanité.
CORPS
MÉDIAL n. m. Syn. de milieu*. Correspond au corps social* chez Leroi-Gourhan,
mais il y ajoute les écosystèmes : le
corps médial est éco-techno-symbolique.
CORPS
SOCIAL n. m. Chez Leroi-Gourhan,
les systèmes techno-symboliques déployés à partir du corps animal*.
COSMICITÉ
n. f. État du kosmos* platonicien, qui est μέγιστος καὶ ἄριστος κάλλιστός τε καὶ τελεώτατος
(très grand, très bon, très beau et très achevé) en vertu du principe
d’Uexküll*, i. e. l’adéquation réciproque de l’être* et de son milieu* ;
état de chose où, pour cet être, tout est donc ordre et beauté, luxe, calme et
volupté (Baudelaire).
COSMISATION
n. f. Déploiement du corps animal*
en corps médial* : dans l’écoumène*,
à la cosmisation du corps par la technique répond la somatisation* du monde par
le symbole.
COSMOPHANIE
n. f. L’apparaître d’un milieu* :
le paysage* est une forme historique de
la cosmophanie, advenue au IVe siècle en Chine et à la Renaissance
en Europe.
COSMOS n. m. V. Kosmos.
CO-SUSCITATION
n. f. (traduction du chinois yuanqi 縁起)
Syn. de concrescence* : relevant de
la ternarité*, la co-suscitation des
choses* est plus complexe que la causalité mécanique* des objets*.
CO-SUSCITATIF,
-VE adj. Relevant de la
co-suscitation.
CROÎTRE-ENSEMBLE
n. m. Syn. de concrescence*.
DÉCOSMISATION
n. f. Perte des repères qui faisaient aller
ensemble les êtres* et les choses* d’un milieu*. Perte de cosmicité*. Apparenté
à l’Entweltlichung (démondanisation) chez
Heidegger.
DEMEURE
HUMAINE n. f. Syn.
d’écoumène* : recouvrer la demeure
humaine exige de dépasser le POMC*. V. Recouvrance.
DÉVOILEMENT
n. m. V. Voilement.
DUALISME n. m. Abstraction du cogito* hors de son corps
médial*, réduisant les choses* en objets* : le dualisme a entraîné le mécanicisme* et le matérialisme.
ÉCHELLE n. f. À la différence de la proportion géométrique,
qui est abstraite, rapport de taille concret* entre les êtres* et les choses*,
relevant de la ternarité* : la carte
à l’échelle du 1 : 25 000 n’est pas le territoire, parce qu’on peut vivre
sur le territoire* (S*), mais pas sur la carte (P*). L’architecturologie*
de Boudon a distingué l’échelle de la proportion : en géométrie, affaire de proportion, on peut augmenter ad libitum la longueur d’un rectangle sans changer sa
largeur, mais en architecture*, affaire d’échelle, quand on double la longueur
d’une poutre, il faut plus que doubler son épaisseur, sinon elle casse.
ÉCOLOGIE n. f. Science de l’environnement*.
ÉCOUMÈNE n. f. (du
grec ἡ οἰκουμένη, l’habitée) La demeure humaine*, ensemble des milieux* humains. Relation éco-techno-symbolique
de l’humanité avec la Terre. NB : 1. le genre féminin distingue cette
acception mésologique de l’acception géographique traditionnelle d’écoumène (n. m.), i.e. la partie habitée
de la Terre, renjing 人境 en
chinois classique (opposé à xianjing 仙境, l’érème*) ; 2. l’écoumène (n. f.) ne se limite pas au topos* de la planète Sol III : c’est la chôra* comprenant tout ce qui existe* pour l’humanité.
EK-SISTENCE
(EXISTENCE) n. f.
Le fait d’ek-sister* (exister), de par
une certaine trajection* : le Streit
(litige), i. e. le rapport Erde/Welt (Terre*/monde*) dans L’Origine de l’œuvre d’art, est une métaphore de l’ek-sistence des
choses*.
EK-SISTER
(EXISTER) v. i. Pour tout être* et
toute chose*, sortir de la gangue de l’identité* à soi, i.e. de l’en-soi
objectal*, pour se déployer selon un certain en-tant-que*. Syn. de trajecter*.
EMPREINTE-MATRICE
n. f. Trajectivité* du milieu* par
rapport aux êtres et aux choses*. Chez Platon (dans le Timée), qualifie métaphoriquement la relation entre chôra* (le milieu*) et genesis (l’être* relatif), relation que
par ailleurs le rationalisme platonicien exclut comme « troisième et autre
genre » (τρίτον ἄλλο γένος) – autre que l’identité* et l’altérité, l’être
en soi et l’être relatif –, insaisissable sinon « par un raisonnement bâtard »
(λογισμῷ τινι νόθῳ), « difficile à croire » (μόγις πιστόν), et que
« l’on rêve en le voyant » (ὀνειροπολοῦμεν βλέποντες) : l’empreinte-matrice est une prémonition de
la médiance*, forclose* par le principe du tiers* exclu.
EN TANT
QUE conj. de subordination, EN-TANT-QUE
n. m. invar. Opération qui fait ek-sister* l’être* en soi en tant que
quelque chose, hors de la gangue de son identité*. Syn. : en-tant-que
mésologique, en-tant-que écouménal. Apparenté au soku 即 chez Yamauchi. Correspond au Ton (ton, tonalité) chez Uexküll (p.ex. comme dans Esston, en tant qu’aliment, Hinderniston, en tant qu’obstacle, etc.),
au als du etwas als etwas (quelque chose en tant que quelque chose) chez
Heidegger, au men 門 (« porte »
ouvrant à une certaine réalité*, et détournant du Sens Vainqueur sheng yi 勝義) chez
Xuan Zang, etc. C’est en somme l’interprétation contingente* de S* en tant
qu’un certain P*, selon l’interprète I* dans la ternarité* S-I-P*, l’histoire*
et le milieu* : l’invétération d’un
certain ensemble d’en-tant-que produit un appareil*.
ENVIRONNEMENT n. m. Objet de la science écologique. Réduction du
milieu* à une collection d’objets* sous le regard de nulle part du POMC*.
Correspond à l’Umgebung (le donné
environnemental brut) chez Uexküll, et au shizen
kankyô 自然環境 (l’environnement naturel) chez Watsuji,
respectivement distingués de l’Umwelt (milieu,
monde ambiant) et du fûdo 風土
(milieu).
ÉRÈME (du grec ἔρημος, désert) n. m. Partie inhabitée de la Terre*, opposée à
écoumène* au sens géographique traditionnel. Syn. de wilderness en anglais et de xianjing 仙境 en chinois classique : l’érémitisme
de l’ermite consiste à fuir le monde* pour aller s’installer dans l’érème.
ESPACE
FOUTOIR n. m. Traduction de junk space (Koolhaas) : la décosmisation* moderne engendre l’espace
foutoir.
ETQ (eu-té-ku) Abrév. d’en-tant-que*.
ÊTRE v. i. et n. m. L’être, ou une instance de l’être,
est à la fois S* et S/P*, essence et existence* : être et existence* sont confondus dans sonzai 存在 , qui
relève donc du quart lemme*.
ÊTRE-VERS-LA-MORT
n. m. Ontologie propre à
l’individualisme* du TOM*. V. Être-vers-la-vie.
ÊTRE-VERS-LA-VIE
n. m. Traduction du concept de sei
e no sonzai 生への存在, que Watsuji opposa au Sein zum Tode (être-vers-la-mort) heideggérien pour signifier que
l’existence* humaine, qui est nécessairement sociale et médiale*, ne s’arrête
pas à la mort du corps individuel : l’être-vers-la-vie
du corps médial* transcende la mort du corps animal*.
ÉVOLUTION
n. f. Histoire* à l’échelle* temporelle et au niveau ontologique de la
biosphère* : l’évolution va dans un
certain sens* qui relève de la contingence* des milieux* concrets*, selon le
principe de Machado* ; car compte tenu des possibilités de combinaisons
protéiques (1O130), si elle ne relevait que du hasard* (les mutations)
et de la nécessité* (la mécanique* statistique de la sélection naturelle) dans
le seul environnement*, il y faudrait immensément plus de temps que l’âge de
l’Univers depuis le Big Bang.
EXISTENCE
n. f. V. Ek-sistence.
EXISTER n. f. V. Ek-sister.
FCM Abrév. de Forclusion* du corps médial.
FÉTICHE n. m. Objet* abstrait* de son milieu, et
fictivement paré en lui-même d’une vertu qu’il tient en fait de sa médiance*.
FÉTICHISATION
n. f. Abstraction* de l’objet*
hors de son milieu*.
FÉTICHISER
v. t. Transformer une chose* en objet*.
FÉTICHISME
n. m. Valorisation fictive de l’en-soi des objets*, leur conférant des
vertus qu’ils tiennent en fait de leur médiance*, donc de l’existence*
humaine : la phynance* est la forme
ultime du fétichisme de l’argent*.
FTM Abrév. de Forclusion* du travail médial : la FTM s’apparente à l’empreinte écologique
et aux externalités du capitalisme*.
FORCLORE (du latin foris,
dehors, et claudere, fermer) v. t. littéralement syn. de lock out. Expulser hors de la conscience,
et en fermer la porte : forclore la
médiance* ne peut la supprimer, car c’est le moment structurel* de l’existence*
humaine, mais risque au contraire, à terme, de supprimer celle-ci de la surface
de la Terre*.
FORCLUSION
n. f. Action de forclore* : le dualisme* du POMC entraîne la forclusion
du corps médial* et la forclusion du travail médial*, i.e. la non-prise en
compte du coût de notre genre de vie pour les écosystèmes et pour la société.
FOUTOIR n. m. V. Espace foutoir.
GÉOGRAMME
n. m. Syn. de motif écouménal* :
les clochers sont un géogramme des
campagnes européennes.
HASARD n. m. Pour le scientisme*, tout ce qui n’a pas
encore été réduit à la nécessité* mécanique*. V. contingence*, nécessité*. Advenue
de n’importe quoi n’importe quand n’importe où, ce qui n’est jamais le cas dans
un milieu* concret* : pour le
néo-darwinisme, les mutations relèvent du hasard, et la sélection naturelle de
la nécessité.
HISTOIRE n. f. Déroulement temporel de la réalité* en
chaînes trajectives : l’histoire donne
sens* au milieu*, et le milieu donne chair à l’histoire.
HISTORIQUE adj. Propre à l’histoire*.
HISTORIQUEMENT
adv. Selon la contingence* et la
concrescence* de l’histoire : les
genres de vie se déploient historiquement, ils sont conditionnés mais non
déterminés par l’environnement naturel. Ant. nécessairement*, par hasard*.
HISTORICITÉ
n. f. Homologue temporel de ce
qu’est spatialement la médiance*.
HOREB Oronyme situé au Sinaï. V. Principe du mont Horeb.
HYPOSTASE
n. f. Syn. de
substantialisation : dans les
chaînes trajectives* de la réalité*, il y a indéfiniment hypostase de S/P* en
S’, de S’/P’ en S’’, et ainsi de suite, mais S ne peut jamais être atteint
qu’en tant que* P*, i.e. S/P.
I représente l’interprète dans la ternarité* S-I-P*.
IDENTITÉ n. f. 1. Le
fait d’être pareil à autre chose*. Ant. Altérité. 2. Le fait d’être pareil à
soi-même. Syn. d’en-soi : l’identité du sujet* relève de lgS*, l’identité
du prédicat* relève de lgP*.
IDENTITÉ
DU PRÉDICAT n. f. Principe de ce
que Nishida nomma « logique du lieu » (basho no ronri 場所の論理) ou « logique du prédicat » (jutsugo no ronri 述語の論理),
comme de ce qu’Arieti nomma « prélogique » après l’avoir observé chez
certains schizophrènes, et où l’identité
des prédicats* respectifs de la prémisse mineure et de la majeure entraîne
l’identification de leurs sujets* respectifs. C’est notamment le principe du
mimétisme, très répandu dans les milieux vivants, et devenu le pilier de la
société de consommation car il est systématiquement utilisé en mercatique ;
tel ce paralogisme publicitaire : 1. Natalie Portman porte Coco Crush
[joaillerie Chanel] ; 2. Or je porte Coco Crush [après l’avoir acheté, of course] ; 3. Donc, je suis
Natalie Portman.
IDENTITÉ
DU SUJET n. f. Principe du
syllogisme aristotélicien, où le sujet* de la prémisse mineure étant compris
dans celui de la majeure, ils ont le même prédicat* : 1. Tous les hommes
sont mortels ; 2. Or Socrate est un homme ; 3. Donc, Socrate est
mortel. Comme le remarqua John Stuart Mill, ce modèle apparent du rationalisme
est absurde, car du point de vue strictement logique, il faut déjà connaître 3
pour poser 1. En réalité*, ce syllogisme
n’a de sens que dans un milieu* concret*, où le logos (i.e. lgS*) ne peut
s’affranchir de l’expérience et du sentiment, donc de lgP*.
INDIVIDUALISME
n. m. Instanciation du
cogito* ; manifestation comportementale du TOM* : lointainement issu du principe du mont
Horeb, puis du christianisme et plus directement du cogito, l’individualisme a
pris chair en Europe au XVIIIe siècle.
INDIVIDUALISME
MÉTHODOLOGIQUE n. m. Issu du nominalisme médiéval, pose que
les entités collectives ne sont qu’une somme d’entités individuelles : Margaret Thatcher, en digne descendante
d’Occam et de Spencer, a posé que « There is no such thing as society. There are men and women, and there are
families », point barre.
KOSMOS (transcrit le grec κὀσμος) n. m. Bon ordre ; monde* ;
ménage* du corps, de la maison, de la cité ; personne assurant ce
ménage : instance du kosmos, la cosmétique est le ménage du corps.
LEMME n. m. (du grec λαμβάνω, prendre) 1. L’une des
quatre propositions du tétralemme* : Yamauchi
oppose le lemme au logos, qui se borne au deux premiers lemmes du tétralemme en
excluant le tiers* et le quart* lemmes. 2. En mésologie*, syn. de
prise* : impliquant le syllemme*,
les prises écouménales sont logiquement des lemmes relevant du tétralemme.
LEMMIQUE adj. et n. f. 1. Relatif au lemme*. 2. Syn. de méso-logique*.
LgP (el-jé-pé) :
abrév. de « logique de l’identité* du prédicat » : lgP,
sous le nom de « sentiment »,
fut bannie par le rationalisme cartésien.
LgS (el-jé-ès) : abrév. de « logique de
l’identité* du sujet » : lgS et
lgP se combinent en réalité*.
LIEU n. m. Là où il y a quelque chose. On distinguera le
lieu géométrique d’un objet*, défini abstraitement par ses coordonnées
cartésiennes, du lieu mésologique* où se situe concrètement une chose*. Le
premier correspond à la Stelle et le
second à l’Ort chez Heidegger : un lieu concret*, à diverses
échelles*, est toujours à la fois topos* et chôra*.
MACHADO Poète espagnol. V. Principe de Machado.
MANQUE-À-ÊTRE
n. m. État résultant de la FCM* : le manque-à-être du TOM*, structurellement privé de son corps médial*,
le pousse à consommer indéfiniment plus d’objets* pour se le réapproprier, toujours
en vain puisque le corps médial n’est pas un objet (S*) mais une chose (S/P* ).
MATRICE n. f. V. Empreinte-matrice.
MÉCANICISME
n. m. (auquel sens
« mécanisme » prête à ambiguïté, et est donc déconseillé) Réduction
de toute subjectité* au seul cogito* (ou à ses semblables), faisant de tout le
reste – y compris les animaux – une mécanique* objectale* : reposant sur le hasard* des mutations et les
lois statistiques de la sélection naturelle, où l’espèce est remplacée par la
population, le néo-darwinisme illustre le mécanicisme et l’individualisme
méthodologique* du POMC*.
MÉCANIQUE
adj. et n. f. Analogue au fonctionnement d’un moteur à piston, dans
l’itération objectale* du rapport cause → effet : le béhaviorisme réduit le vivant à une mécanique.
MÉDIAL adj. Propre à un milieu*.
MÉDIANCE n. f. Traduction du japonais fûdosei 風土性, que Watsuji a défini comme « le moment
structurel de l’existence humaine » (ningen
sonzai no kôzô keiki 人間存在の構造契機), i. e. le couplage dynamique de l’être* et de son
milieu* ; correspond à ce qu’Uexküll appelait Gegengefüge (contre-assemblage), i.e. l’adéquation réciproque de
l’animal (ou plus largement du vivant) et de son milieu.
MÉNAGE n. m. Entretien de la cosmicité* à une certaine
échelle, de la maison à l’écoumène*, en passant par le territoire* : Olivier de Serres, dans Le Théâtre
d’agriculture et mesnage des champs,
préfigure la permaculture.
MÉNAGER v. t. Prendre
soin des êtres* et des choses*, dans un souci de cosmicité* : Brunet a montré que le territoire* se
ménage, il ne s’aménage pas (comme le prétend la technocratie dans l’appareil*
du POMC*).
MÉNAGEMENT
n. m. Action de ménager* (plus
général que ménage*) : les principes
du management moderne* ne sont pas un ménagement, mais une mécanisation de
l’humain dans la forclusion* des externalités du capitalisme*, i. e. du corps*
médial de toute entreprise.
MÉSOLOGIE
n. f. Étude des milieux*, en particulier de l’écoumène*. Correspond à l’Umweltlehre d’Uexküll et au fûdoron 風土論 de
Watsuji.
MÉSOLOGIQUE
adj. Relatif à la mésologie*.
MÉSO-LOGIQUE
n. f. Logique propre à l’histoire*
et aux milieux*, combinant trajectivement* le principe de l’identité* du sujet*
(lgS*), qui est celui de la base substantielle (S*) de la réalité*, et le principe de l’assomption de S en tant
que* P* (lgP*), les enchaînant en chaîne trajective*, i.e. en une suite d’assomptions
de S en tant que P (S/P*) et d’hypostases de S/P en S’ par calage trajectif*.
MÉTABASISME
n. m. Idéologie postmoderne* du
« on en a fini avec la base » (i. e. avec la nature*) : la « French theory » se caractérise par son métabasisme.
MILIEU n. m. Correspond à l’Umwelt chez Uexküll et au fûdo
風土
chez Watsuji ; syn. de corps médial*. Dans l’écoumène* en particulier, c’est
l’ensemble de relations éco-techno-symboliques que, trajectivement*, l’humanité
crée à partir d’elle-même et de la matière première qu’est l’environnement* :
l’environnement fait l’objet de
l’écologie*, le milieu celui de la mésologie*.
MODERNE adj. Engendré et caractérisé par le POMC* : le mouvement moderne en architecture, fondé
sur le principe du mont Horeb*, a ravagé la composition urbaine* dans le monde
entier.
MOMENT
STRUCTUREL n. m. Couplage
dynamique de deux choses*. V. Médiance.
MONDAIN adj. et n. m. Relatif à un certain monde* ;
trajecté* par un certain ensemble d’en-tant-que* à partir de la Terre* : le rejet du mondain caractérise
l’érémitisme.
MONDANITÉ
n. f. Le fait de relever d’un
certain monde*.
MONDE n. m. Ensemble
des en-tant-que* qui, pour un certain être* individuel ou collectif, font
advenir la réalité* ; appareil* général : chez Nishida, le monde est
assimilé au prédicat*, c’est un monde prédicatif
(jutsugo sekai 述語世界).
MOTIF
ÉCOUMÉNAL n. m. Ensemble
de choses* localisé, exprimé dans l’espace par une certaine forme, et dans le
temps parce que ces choses motivent l’être* à réagir dans un certain sens* :
les hauts lieux sont, par excellence, des
motifs écouménaux.
MOTIVATION
PAYSAGÈRE n. f. Médiation du
paysage* dans les comportements : le
tue-paysage*, sapant la motivation paysagère, est un facteur d’anomie.
MOUVANCE n. f. Caractérise l’ambivalence de la relation d’empreinte-matrice* :
elle est à la fois active (la capacité qu’ont les êtres de se mouvoir, de
changer et de changer les choses*, y laissant leur empreinte) et passive (au
sens féodal : dépendance à l’égard d’un fief), i. e. leur appartenance à
la matrice qu’est un certain milieu*. Apparenté à la Räumung (spaciation) heideggérienne et au qu 趣 (tension vers) du principe de Zong Bing* : la mouvance est à la fois la médiance* et la
trajectivité* de l’existence*.
MOUVEMENT
MODERNE n. m. En architecture* et
en urbanisme, réduction des milieux* et de l’histoire* à la table rase d’un
« espace universel » plaquant au sol l’espace absolu de Newton,
homogène, isotrope, infini et mécaniquement itérable aux quatre coins de la
planète : le style international en
architecture, répétant sériellement la même géométrie abstraite*, a incarné sur
terre l’u-topie (la négation des lieux) du POMC*.
NATURE n. f. C’est le S* fondamental, qui ne peut jamais
être saisi qu’en tant que P*, trajectant* indéfiniment dans sa quasi-éternelle
mouvance* : natura natura semper
(la nature sera toujours à naître).
NÉCESSAIREMENT
adv. Par nécessité* mécanique*.
NÉCESSITÉ
n. f. Toujours et partout la même
chose. V. contingence*, hasard* : le
dualisme* mécaniste postule la nécessité dans le rapport de cause à effet, mais
la réalité* des milieux* concrets*
relève de la contingence*.
NUCLÉAIRE adj. et n. m. Forme d’énergie indissociable de
l’être-vers-la-mort* du TOM*, car supposant le rejet de ses nuisances sur plus
de 10 000 générations. Après nous le déluge ! (Jeanne-Antoinette
Poisson) : bafouant
l’être-vers-la-vie*, le nucléaire est un crime contre l’humanité.
OBJECTAL adj. Abstrait* de sa médiance*, et putativement
réduit à un pur objet* (l’en-soi de S*, au lieu de la réalité* S/P*).
OBJECTALITÉ
n. f. Réduction dualiste des
choses* (S/P*) à de purs objets* (S*) : l’objectalité est une fiction dualiste, car l’objectivité pousse à
reconnaître la ternarité* des choses*.
OBJET n. m. Chose* (S/P*) fictivement abstraite de sa
ternarité* : l’objet du physicien
est le sujet du logicien (S*).
ONTOCOSMOLOGIE
n. f. Appareil* disposant à voir
l’être* et le monde* sous un certain jour : dans le Timée, Platon expose son ontocosmologie.
ONTO-LOGIQUE
n. f. Correspondance de
l’ontologie et de la logique. L’onto-logique aristotélicienne, d’où procède le
POMC*, est axée sur S* : le sujet* en logique et la substance* en
métaphysique. L’onto-logique nishidienne, qui procède du bouddhisme et du
taoïsme, est axée sur P* : le prédicat* en logique, assimilé
métaphysiquement au néant (mu 無),
d’où et l’être* et le sujet* procèdent du fait de la négation du néant par
lui-même. Combinant l’une et l’autre, c’est-à-dire lgS* et lgP*, l’onto-logique
de la mésologie* est une méso-logique* : elle pose en principe la
nécessité de S*, qui fonde P*, mais aussi qu’on ne peut jamais atteindre, car
en pratique, S n’est indéfiniment qu’une hypostase* historique* de P*, en
chaîne trajective*.
OUVRE-COUVRE
n. f. (déverbal d’ouvrir et couvrir) Va-et-vient trajectif*, apparenté à
l’Ent-fernung (déloignement,
é-loignement) heideggérienne, à la fois ek-sistence* du corps vers le monde*
(par la technique) et ek-sistence du monde vers le corps (par le
symbole) : l’ouvre-couvre,
simultanément, donne de la profondeur à notre monde et nous le rend présent. V.
Cosmisation, somatisation.
P Initiale correspondant à Prédicat* : dans le rapport S/P* (S en tant que P), P
est en principe subordonné à S* par la conjonction de subordination en tant
que*, mais en pratique, l’un ne va pas
sans l’autre.
PAN n. m. Dieu grec. V. Principe de la grotte de Pan.
PAROLE n. f. Quintessence de P* ; par excellence, ce
qui dit quelque chose (P) à propos de quelque chose (S*). V. Religion*.
PAYS n. m. Instance de la Terre*, localisée à une
certaine échelle*.
PAYSAGE n. m. Genre de cosmophanie* apparu dans la classe
de loisir (Veblen) au IVe siècle en Chine, à la Renaissance en
Europe, et répandu depuis : le
paysage ne se réduit ni à une simple projection subjective, ni à un simple
objet* là-dehors, il est trajectif*.
PHYNANCE n. f. Absolutisation ubuesque de l’argent* (P*) en
tant que* φύσις, i.e. la substance* absolue (S*) de toute
réalité*, notamment de l’argent lui-même : dans l’intérêt phynancier, l’argent (P) est le sujet (S) de l’argent, et
tel jadis Yahveh*, tel naguère le cogito*, il est sujet*-prédicat* de soi-même,
grâce à sa technoscience* qui a hissé le Veau d’or (‘ēggel
hazāhāv עֵגֶּל הַזָהָב) au sommet du mont Horeb*.
PLANÈTE n. f. En particulier « la » planète, i.
e. Sol III. Dimension physico-chimique de la Terre*.
POMC (pé-o-ème-sé)
Abrév. de « paradigme occidental moderne classique », appareil* caractérisé
notamment par le renversement copernicien, le dualisme* et le mécanicisme* cartésiens,
l’espace et le temps absolus de Newton, le matérialisme, le capitalisme*, l’individualisme*
méthodologique issu du nominalisme médiéval, et l’individualisme ontologique
induit par la subjectité* moderne*. A été ébranlé dès le XIXe siècle
par les géométries non euclidiennes et le marxisme, au XXe par la
phénoménologie, la cosmologie einsteinienne et la physique quantique, mais règne
encore sur ce que l’on considère ordinairement comme la réalité*, i. e. la
fiction d’un pur objet* (S* et non pas S/P*).
POSSIBILISME
n. f. Théorie critiquant le
déterminisme géographique, et caractérisant selon Lucien Febvre l’école française
de géographie humaine, suivant laquelle un même environnement* peut historiquement*
donner lieu à des genres de vie différents : le possibilisme de Vidal de la Blache préfigure la contingence*
mésologique*.
POSTMODERNE
n. m. et adj. Paroxysme de la décosmisation* moderne* qui a conduit dans
les sciences sociales au métabasisme*, tandis qu’en architecture, le
partout-la-même-chose du mouvement moderne* pérorait en
n’importe-quoi-n’importe-où, i. e. en espace foutoir* : après la table rase du moderne, le
postmoderne a donné le coup de pied de l’âne à la composition urbaine*.
PRÉDICAT n. m. Cela en tant que* quoi S* existe (ek-siste*),
tel que saisi par les sens* et l’action (ce qui vaut pour tous les êtres
vivants), la pensée (ce qui vaut pour les animaux supérieurs) et la parole* (ce
qui est propre à l’humain seul), pour un être* individuel ou collectif.
PRÉDICATIF,
-VE adj. Relevant du prédicat* :
pour Nishida, le monde* est un néant
prédicatif.
PRIME
JAILLISSEMENT n. m. Traduit
l’allemand Ursprung, habituellement
rendu (et malentendu) par « origine » dans la traduction de Der Ursprung des Kunstwerkes par « L’Origine de l’œuvre d’art », alors
qu’il s’agit du prime jaillissement opéré par l’œuvre d’art comme forme
symbolique de l’œuvre humaine qu’est l’écoumène*. Le fait de prime-jaillir*, i. e. la trajection* de la
réalité* avant toute abstraction* dualisante.
PRIME-JAILLIR
v. i. Syn. de ek-sister* : deux siècles avant Descartes, la perspective
a fait prime-jaillir le sujet* moderne comme forme symbolique.
PRINCIPE
DE CÉZANNE n. m. Syn. de Principe
de Xie Lingyun*. V. trajecter*.
PRINCIPE
DE LA GROTTE DE PAN n. m. Par allusion à l’installation de la
statue de Pan dans une grotte à Athènes après la victoire de Marathon, principe
selon lequel l’idée de nature* est née en ville, non à la campagne et encore
moins dans l’érème*.
PRINCIPE
DE MACHADO n. m. Par allusion au
célèbre Caminante, no hay camino…,
principe de la contingence* de l’évolution* et de l’histoire* : le sens* de l’évolution* se fait en
évoluant, sur la base de l’acquis (al volver la vista atrás), c’est-à-dire en chaîne trajective* et non
pas au hasard* ni selon quelque téléologie que ce soit.
PRINCIPE
DE XIE LINGYUN n. m. Par allusion au premier poète paysager,
principe selon lequel seuls les happy few
de la classe de loisir (Veblen), à la différence des ploucs, savent voir l’environnement*
en tant que* paysage*.
PRINCIPE
DE ZONG BING n. m. Par allusion au Zhi yu shanshui, zhi you
er qu ling至於山水、質有而趣霊 (Quant au
paysage, tout en ayant substance, il tend vers l’esprit) de l’Introduction
à la peinture de paysage, principe
selon lequel le paysage* ne se limite pas à la substance de l’environnement, et
qu’il la dépasse dans une mouvance* invisible : le principe de Zong Bing est une préfiguration de la trajectivité* des
choses*.
PRINCIPE
D’UEXKÜLL n. m. Principe de la cosmicité* selon
laquelle, pire soit l’environnement*, meilleur est le milieu* (pessimale Umgebung, optimale Umwelt) pour
l’être* dont c’est justement le milieu* : les extrémophiles ne cessent de
corroborer le principe d’Uexküll.
PRINCIPE
DU MONT HOREB n. m. Par allusion à
l’affirmation de la transcendance de l’ehyeh
asher ehieh אהיה אשר אהיה → ἐγώ εἰμι ὁ ὤν [je suis l’étant]
→ sum qui sum → je suis celui qui
suis) de Yahveh au Sinaï, sujet*-prédicat* de soi-même plus tard recyclé ad usum hominis par le cogito*
cartésien, affirmation de la transcendance de la subjectité* moderne par
rapport à son milieu*, conduisant en fin de compte le TOM* à l’acosmie* : à force de nous abstraire* de notre milieu,
le principe du mont Horeb nous mène à l’extinction pure et simple ; nous
devons donc le dépasser.
PRISE n. f. Syn.
prise écouménale, prise existentielle. Apparenté à l’affordance gibsonnienne. Instance particulière de la médiance*, à
la fois active (ce que l’être* peut faire des choses* de son milieu*) et passive
(les possibilités que lui offre son milieu). Cela en tant que* quoi les choses*
d’un certain milieu* existent*. Se décline en quatre principales catégories ou
prédicats : ressources, contraintes, risques et agréments. Selon l’être
concerné et selon l’occasion, un même objet* (S*) peut exister* en tant que
l’une ou l’autre de ces différentes prises (S/P*).
QUART
LEMME n. m. Suivant Yamauchi, dans
le tétralemme*, cela doit être la biaffirmation*, à la fois A et non A, et non
pas la binégation* (qui est donc chez lui le tiers lemme*). Appelé en mésologie
le syllemme*, qui ouvre à tous les
mondes possibles. Dans la réalité* ternaire* des milieux* concrets*, suivant l’interprète
I*, un même donné S* existe* à la fois en tant que* P*, P’, P’’ etc. : incarnant le quart lemme, la même touffe
d’herbe S existe concrètement à la fois en tant qu’aliment P pour la vache I, en
tant qu’obstacle P’ pour la fourmi I’, et ainsi de suite.
RÉALITÉ n. f. Du point de vue objectal* qui est celui du
POMC*, la réalité, c’est S* : la substance*, l’objet*. Du point de vue
objectif qui est celui de la mésologie, la réalité, c’est la combinaison de S*
et de P* dans l’assomption de S en tant que* P (qui est insubstantiel, aussi
bien chez Aristote que chez Nishida), soit S/P*, et l’hypostase de S/P en S’,
indéfiniment, dans la mouvance* des chaînes trajectives*. Correspond à la
réalité empirique ou « réel voilé » chez d’Espagnat, le Réel non
voilé mais inatteignable correspondant à S.
RECOUVRANCE
n. f. Redécouverte,
réappropriation et ménagement* des liens dont le TOM*, infatué par le principe
du mont Horeb, s’était systématiquement coupé. Concept mésologique apparenté au
convivialisme d’un Ivan Illich, aux relations de proximité d’un André Gorz, à
la conscience du lieu d’un Alberto Magnaghi, à l’agronomie naturelle (shizen nôhô 自然農法)
d’un Masanobu Fukuoka, à la permaculture, etc. : comme les marins priaient Notre-Dame-de-Recouvrance pour recouvrer
(retrouver) la terre après un long voyage en mer, l’humanité aspire à recouvrer
sa relation avec la Terre – l’écoumène*, la demeure humaine*.
RÉEL VOILÉ
n. m. V. Réalité, Vérité.
r = S/P Formule de la réalité*, qui se lit : la réalité, c’est S* en tant que P*.
RELIGION n. f. Absolutisation de la parole – qui est
intrinsèquement prédicative, puisque par définition elle dit quelque chose (P*)
à propos de quelque chose (S*) –, par un bond mystique identifiant P à S, comme
en témoigne exemplairement l’ouverture de l’évangile selon saint Jean : 1.
Au commencement était P, la Parole (Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος) ; 2. et P était à
propos de S, i.e. Dieu, la Substance* absolue (καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν) ;
3. et S était P (καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος). C’est
là, dans un génial raccourci, l’essence de ce qui se passe dans les chaînes
trajectives*, où il y a – mais progressivement – hypostase* de P en S (et où,
sans bond mystique*, à la différence de la religion, l’on ne peut jamais
remonter jusqu’à S).
S représente le sujet* logique, la substance*
sous-jacente où s’ancre lgS*, et qui est aussi l’objet* physique : le rapport sujet / prédicat* en logique
correspond au rapport substance / accident en métaphysique. V.
Onto-logique.
SCIENCE n. f. Recherche de S* : la science dissèque le monde* pour trouver la Terre* sous-jacente aux
en-tant-que* mondains.
SCIENTISME
n. m. Dévoiement de la science,
confondant S/P* avec S*.
SENS n. m. C’est indissociablement 1. une direction
dans l’espace-temps (réalisée au niveau ontologique de la planète*, entité
physico-chimique) ; 2. une sensation charnelle (perçue au niveau ontologique de
la biosphère*, entité écologique) ; 3. une signification (conçue au niveau
ontologique de l’écoumène*, entité éco-techno-symbolique). Autrement dit, loin
du métabasisme de la French theory,
le sens est un certain aller-avec* de la matière, de la vie et de l’esprit.
S-I-P représente la ternarité* concrète de toute
trajection* de S* en tant que* P* : il y faut nécessairement un interprète
I*, qui saisit S en tant que P. Cet I peut être humain ou non humain, voire un
simple dispositif matériel comme dans l’expérience quantique d’où une même
particule S va ek-sister* soit en tant qu’onde (P), soit en tant que corpuscule
(P’), ce qui peut même se répercuter en chaînes analogues aux chaînes
trajectives*, les chaînes de von
Neumann.
S/P abrév. de « S* en tant que* P* ».
SOMATISATION
n. f. Effet en retour, sur le corps
animal*, du déploiement de son milieu*. Dans le cas de l’humain, cet effet –
qui a gouverné l’évolution* de toute la biosphère*, et produit notamment Homo sapiens – en arrive aujourd’hui à
un couplage dynamique de l’anthropocène et du transhumanisme.
SUBJECTITÉ
n. f. (en anglais subjecthood, en japonais shutaisei 主体性) Le fait d’être un sujet, pas un objet, et d’être
donc capable de trajecter* l’environnement* (S*) selon ses propres prédicats
(P*) : les milieux* supposent la
subjectité du vivant, qui n’est jamais déterminé par une simple mécanique* de
l’environnement*.
SUBSTANCE
n. f. (du latin substantia, calqué sur le grec ὑπόστασις, « se-tenir-dessous »). Ce concept est issu de
la même image que la notion de sujet* (du latin subjectum, calqué sur le grec
ὑποκείμενον, « placé dessous »), d’où la correspondance des deux termes dans l’onto-logique*
européenne, d’où sont issus le POMC* et le TOM* : l’individualisme* moderne se fonde sur la fiction d’une substance*
transcendantale, issue du principe du mont Horeb* via le cogito* cartésien.
SUBSTANTIALITÉ n. f. Qualité de la substance*. En-soi de l’objet*.
Correspond spatialement au topos*.
SUBSTANTIALISATION n. f. V. Hypostase.
SUJET n. m. V. S* : le sujet du logicien, c’est l’objet* du physicien, mais de par le
substantialisme du POMC*, le sujet du psychologue, à savoir le cogito*, c’est aussi
l’inverse de l’objet.
SUJET-PRÉDICAT n. m. V. Cogito, Principe du mont Horeb.
SYLLEMME (du grec συλλαμβάνω, prendre ensemble) Correspond
au quart lemme du tétralemme* : comme
le métabolisme au niveau ontologique de la biosphère* et à l’échelle*
temporelle de l’évolution*, la métaphore, au niveau ontologique de l’écoumène*
et à l’échelle temporelle de l’histoire*, relève du syllemme, qui ouvre à tous
les possibles .
TECHNOSCIENCE
n. f. Instance directrice de
l’appareil* du POMC*, en particulier sous la forme de la phynance*.
TERNAIRE adj. Relevant de la ternarité* : un jugement concret est nécessairement
ternaire.
TERNARITÉ
n. f. Représentée par la formule
S-I-P*, signifie que dans la concrescence* de tout milieu*, la trajection* de la réalité* fait
nécessairement intervenir trois termes : ce dont il s’agit (S*), ce en
tant que quoi S existe* (P*), et l’être* pour lequel – ou la chose* en fonction
de quoi – S existe en tant que P, i. e. l’interprète I. Cette ternarité est
consubstantielle à la contingence* des milieux*, de l’évolution* et de
l’histoire*, contingence qui s’oppose frontalement aux certitudes
objectales* du mécanicisme*, et à
laquelle on peut aller jusqu’à chercher des analogies mathématiques dans le
problème à trois corps. La réalité est a
fortiori contingente dans la quasi-infinité des interactions possibles dans
un milieu concret.
TERRE n. f. 1. La planète Sol III (en ce sens, Terre
prend la majuscule). 2. Sol et fondement de toute expérience, origine de toute
ek-sistence* (en pratique, c’est la Terre au sens 1, prenant donc aussi la
majuscule) ; en ce sens, quasi synonyme de nature*, cela (S*) qui est
trajecté* en tant que* quelque chose que ce soit (P*) : la Terre est cela d’où prime-jaillit* la réalité*
de tout en-tant-que mondain*.
TERRITOIRE
n. m. Instance de la Terre*,
localisée à une certaine échelle*.
TERROIR n. m. Instance de la Terre*, localisée à une
certaine échelle*.
TÉTRALEMME
n. m. Yamauchi a montré que le tétralemme doit s’énoncer dans l’ordre
suivant : 1. Affirmation (A) ; 2. Négation (non-A) ; 3.
Binégation (ni A ni non-A) ; 4. Biaffirmation (à la fois A et non-A), où
il inverse le tiers lemme* et le quart lemme* par rapport à l’ordre coutumier.
En effet, placer en dernier la binégation ne mène à rien, tandis qu’y placer la
biaffirmation ouvre à tous les possibles : pour la mésologie, dans la ternarité* de tout jugement concret*, la réalité* relève du quart lemme, qui est permis
par le tiers lemme – celui-là qui justement est exclu par le principe du tiers
exclu*.
TIERS
EXCLU n. m. Impossibilité
théorique, dans le POMC*, d’être entre A et non-A, i. e. ni A ni non-A (tiers
lemme*), ou à la fois A et non-A (quart lemme*) ; d’où l’impossibilité
pratique de prendre en compte les milieux* (NB : en anglais, « tiers
exclu » se dit excluded middle).
Le principe du tiers exclu n’est qu’une abstraction* logique, car dans un
milieu concret*, la réalité* des choses*
relève nécessairement du tétralemme* : dans
le Timée, le rationalisme platonicien
a exclu de penser le « troisième et autre genre » (τρίτον ἄλλο γένος)
de l’empreinte-matrice* qu’est la chôra*,
laissée dans le domaine du rêve.
TIERS
LEMME n. m. Binégation (ni A ni
non-A) dans l’ordre du tétralemme * argumenté par Yamauchi. C’est le moyeu
autour duquel peuvent tourner tous les possibles du quart lemme*, car la
biaffirmation (S est à la fois P et P’) n’est possible que si ni S* ni P*
n’existent* en soi (i.e. substantiellement) : concrètement, S n’existe
qu’en tant que P, et P supposant S pour en être prédiqué, il n’existe pas non
plus en soi : si la même herbe S
peut être à la fois aliment P pour la vache I et obstacle P’ pour la fourmi I’,
c’est parce que ni l’herbe, ni l’aliment, ni l’obstacle n’existent en soi, mais
toujours dans la ternarité* S-I-P* d’un milieu* concret*.
TOM (to-me)
Acronyme de « topos* ontologique
moderne », jouant sur l’homonymie de tom
et du radical tom- qui signifie
« couper » en grec (comme dans lobotomie,
atome etc.), et signifiant en même temps la forclusion* de notre corps
médial* par l’individualisme* moderne et l’abstraction* corrélative des choses*
en objets* par le dualisme* : le TOM
s’est coupé de son corps médial*, d’où son manque-à-être* et son inextinguible
besoin de consommation d’objets.
TOPICITÉ n. f. Couplée dynamiquement à son inverse la
chorésie*, qualité du topos* dans le
rapport chôra/topos*. Correspond
ontologiquement à la substantialité de S* : dans la mouvance* des milieux* concrets*, il n’y a de topicité que dans
le rapport dynamique de l’ek-sistence* des choses*.
TOPOS n.
m. (mot grec) V. chôra/topos.
TRAJECTER
v. i. et t. Accomplir une
trajection. Syn. d’ek-sister* et de faire exister* : la touffe d’herbe S* trajecte en tant qu’aliment P* pour la vache I*.
Cézanne trajecte la Sainte-Victoire en tant que* paysage*, mais pas les ploucs
de la région, qui selon lui « ne l’ont jamais vue », i. e. jamais vue
en tant que paysage, à la différence des happy few dont il fait partie, lui (et nous après lui, en chaîne trajective*).
TRAJECTIF,
-VE adj. Relevant de la
trajection : une chose* n’est ni
seulement substantielle ni seulement relationnelle, elle est trajective.
TRAJECTIVEMENT
adv. De manière trajective ;
en chaîne trajective.
TRAJECTION
n. f. 1. Va-et-vient de la
réalité* entre les deux pôles théoriques du subjectif et de l’objectif : la réalité ne relève ni seulement de l’objet*,
ni seulement du sujet* ; relevant
de la trajection des deux, elle est trajective. 2. Assomption de S* en tant
que* P*, syn. d’ek-sistence* : au IVe
siècle, en Chine, il y a eu trajection des eaux de la montagne (shanshui
山水) en tant
que paysage (shanshui 山水).
TRAJECTIVITÉ
n. f. 1. Syn. d’existence*. État
des êtres* et des choses* qui ek-sistent* dans un milieu* concret*, corrélatif
de leur médiance* et résultant d’une quasi-infinité de chaînes trajectives*. 2.
Syn. de mouvance* : la
« tension-vers » (qu 趣) du principe de Zong Bing* exprime le sentiment de
la trajectivité des choses.
TRANSIENCE
n. f. Échelle* temporelle de la
réalité*, entre la subsistance de la substance* et l’impermanence de la pure
relation*.
TRANSMODERNE adj. et n. m. À la
différence du postmoderne*, qui n’était qu’une variante paroxystique du
moderne*, le transmoderne (syn. : transmodernité) est le dépassement
onto-logique* du POMC* par la trajection* lgS*/lgP*, i. e. par la mésologie* en
tant que perspective générale sur la réalité* : la mésologie n’est pas seulement une écologie* phénoménologique ;
visant au dépassement du POMC* par la recouvrance*, elle est onto-logiquement
transmoderne.
TRANSMODERNITÉ
n. f. V. transmoderne.
TRAVAIL
MÉDIAL n. m. Les services rendus à
la fois par les écosystèmes et par la société au TOM*, mais que celui-ci
forclôt* dans les externalités de l’individualisme* et du capitalisme* : le travail médial produit, entre autres,
l’empreinte écologique de notre genre de vie.
TUE-PAYSAGE
n. m. Traduction du shafengjing 殺風景 de
Li Shangyin : le tue-paysage est
l’aspect sensible de l’espace foutoir* et de l’acosmie* engendrés par le POMC*.
VÉRITÉ n. f. Pour la science*, adéquation relative de P* à
S*. Pour la religion*, identité* absolue de S et de P. V. Voilement, Parole.
VOILEMENT n. m. Opération par laquelle, du point de vue de
la science*, S* est caché par P* du fait de la mondanité*, et spécialement du
fait de la religion*. À l’inverse, pour la religion, comme dans la Dicte (Dichtung) heideggérienne, identifier S à
P est un dévoilement (ἀλήθεια), i.e. la vérité*.
VOIR-COMME
n. m. Traduction du japonais mitate
見立て,
correspondant à la métaphore vive chez Ricoeur : le voir-comme est une instance de l’en-tant-que écouménal*.
URSPRUNG (n. m. allemand) v. Prime jaillissement.
XIE LINGYUN Poète chinois. V. Principe de Xie Lingyun.
YAHVEH n. m. L’Être absolu que Moïse rencontre au sommet
du mont Horeb (Exode, 3). V. Principe
du mont Horeb, Phynance.
ZONG BING Peintre
chinois. V. Principe de Zong Bing.
Palaiseau, le 23 août 2017.
Références
L’argumentation et le
référencement de la terminologie ci-dessus ont été progressivement construits
au fil du demi-millier d’articles et de la quarantaine d’ouvrages dont Augustin
Berque a été l’auteur ou le directeur depuis 1964. Pour une introduction accessible
et récente, on pourra lire son Là, sur
les bords de l’Yvette. Dialogues mésologiques, Bastia, éditions éoliennes,
2017.